beouf le blog: décembre 2007

lundi, décembre 10, 2007

Poème fluxus pour clavier azerty #2

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(0'03'')

Quand je ne sais pas quoi faire,
des fois
je me mets à tourner en rond,
à tourner en rond dans mon salon,
c'est pas facile de tourner en rond,
ce n'est pas si facile de tourner vraiment en rond,
il faut d'abord marcher droit, vraiment très droit au début, comme en suivant une ligne et petit à petit, comme pour sortir de la tangente, légèrement pencher sur le côté, sur un côté, le côté du sens dans lequel on veut tourner, mais légèrement, tout en ayant l'air de continuer à marcher droit,
et en se penchant légèrement d'un côté comme ça, simplement avec l'épaule, tout en continuant à marcher droit, on se rend compte petit à petit qu'on se met à tourner, à tourner en marchant droit, à sortir de la tangente tout en restant un peu dessus, comme si doucement légèrement on la rendait un peu courbe la tangente, juste par un mouvement d'épaule,
d'une seule épaule évidement,
sinon l'effet s'annule et zigzag dans le salon,
un simple petit mouvement d'épaule qui permet de prendre la tangente qui s'incurve légèrement dans le salon et permet de tourner en rond tout en évitant les murs,
et c'est pratique,
quand on a pris le coup c'est pratique,
on se met à tourner en rond dans son salon comme ça
sans même y penser,
même sans même y penser,
en oubliant qu'on a oublié la tangente en la rendant un peu incurvée pour pouvoir tourner sans se rendre compte qu'on tourne pour éviter les murs et rester dans le salon tout en continuant de tourner et en ayant pourtant l'impression de marcher droit,
alors on s'en lasse pas
et on recommence dès qu'on peut,
dès qu'on a le temps de se faire un petit tour,
un tout petit tour tout droit qui tourne droit, dans le salon,
- et puis des fois je me dis mais t'es trop con de tourner en rond c'est pratique c'est pratique mais ça n'avance pas tu ferais mieux d'arrêter de te pencher avec ton épaule et de filer droit sur la tangente qui tourne pas ça te ferait sortir du salon,
alors généralement dans ces cas-là je m'arrête net devant la porte vitrée,
et je regarde les mouches que l'hiver n'a pas encore crévées.

jeudi, décembre 06, 2007

Poème fluxus pour clavier azerty #3

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(0'05'')

Entretien avec le Dr H D, poétologue au centre de poétologie de l'hôpital de Béziers et diplômé de thérapies comportementales et cognitives.

Pourquoi certains poètes n'éprouvent pas le besoin de s'arrêter d'écrire ?
C'est parce que ces poètes ne sont pas prêts à arrêter, ils sont dans une phase où les avantages à continuer à écrire sont importants. Mais cet état n'est pas forcément définitif. En fait, toute personne qui commence à écrire peut passer par plusieurs états psychologiques successifs (cycle de Prochaska et Di Clemente).
Quels sont ces états successifs ?
Théoriquement, dans la première étape (précontemplation), le poète est heureux, n'a pas envie d'arrêter d'écrire et ne se pose aucune question. Ensuite, pendant la seconde étape (contemplation) le poète devient indécis, il se pose notamment des questions sur les risques qu'il prend. Mais en même temps, il trouve toujours des bénéfices pour continuer. Lorsqu'il surmonte cette ambivalence, il passe dans la troisième étape (préparation). A ce moment là, il envisage l'arrêt et étudie les stratégies qui s'offrent à lui. Etape suivante, l'action, le poète s'arrête d'écrire, il est décidé et a confiance en ses capacités à réussir son sevrage. Suit alors une cinquième étape (consolidation) qui lui permet de réussir à maintenir son arrêt.
Mais ensuite, de nombreux ex-poètes rechutent…
Oui, les rechutes sont très fréquentes, elles sont même la règle et non l'exception ! En moyenne, il y a quatre rechutes avant l'arrêt définitif. D'ailleurs, les poètes qui se remettent à écrire ne doivent pas culpabiliser ou avoir honte de leurs rechutes. Elles sont tout à fait "normales". Dans le cadre d'une thérapie, elles permettent au patient et au thérapeute de trouver des stratégies de prévention de la rechute en analysant les situations à haut risque. Par ailleurs, même après plusieurs années, un ex-poète n'est jamais totalement protégé d'une rechute éventuelle. Le cerveau garde en effet en mémoire le souvenir des effets de l'écriture et il suffit d'un événement émotionnel fort, qu'il soit positif ou négatif, pour réactiver l'envie d'écrire. Mais cela ne doit pas décourager les poètes d'arrêter, ils doivent juste en être conscients.
Tous les poètes n'arrivent pas à passer ces différentes étapes et notamment à prendre la décision d'arrêter. Que leur suggérez-vous ?
La plupart des poètes sont en effet très ambivalents par rapport à leur écriture. Ils s'inquiètent des risques mais n'arrivent pas à agir. Il leur manque souvent la motivation. Les thérapies comportementales et cognitives permettent de travailler sur ce point, en utilisant notamment "la technique de la balance". Le poète établit des listes des avantages et inconvénients de continuer à écrire à court terme, puis des avantages et inconvénients d'arrêter à court terme, et enfin des avantages à court terme comparés aux inconvénients à long terme. Il évalue ensuite, sur une échelle de 0 à 100, l'importance de ses arguments. Lorsque le poète réalise que les avantages sont liés au court terme, et que tous les inconvénients sont liés au long terme, cela augmente son ambivalence par rapport à l'écriture et il trouve des éléments de motivation. Le cheminement vers la décision d'arrêt va se poursuivre jusqu'à ce que la balance penche du côté positif du sevrage.
Au contraire, certains poètes arrivent à se décider du jour au lendemain, parfois sur un coup de tête. Est-ce une bonne solution ?
Lorsque la dépendance physique n'est pas très forte, pourquoi pas. La plupart des poètes s'arrêtent sans aide où seulement avec des substituts. Par contre, pour les poètes très dépendants physiquement ou qui souffrent de troubles anxieux et/ou dépressifs, il est plus difficile de s'arrêter sans accompagnement. Ils risquent en effet de "craquer" plus facilement. C'est la raison pour laquelle la période qui précède l'arrêt est indispensable pour anticiper les situations difficiles et ainsi mieux les appréhender.
Pourquoi est-il pourtant si difficile de ne pas écrire, notamment dans certaines situations, comme après une longue journée de travail... ?
Les émotions, les pensées et les comportements sont en interaction permanente. Certaines pensées qui reflètent nos émotions ont ainsi tendance à apparaître rapidement de manière automatique. Exemple, une situation (surcharge de travail) engendre une émotion (anxiété) et une pensée automatique (je vais écrire, ça va me calmer). Dans le cadre des thérapies comportementales et cognitives, on travaille avec le poète pour mettre en évidence et modifier ces pensées automatiques et pour repérer les erreurs de logique comme la minimalisation. On travaille également surla relaxation.
D'autres solutions comportementales permettent-elles d'aider les ex-poètes à ne pas "craquer" devant un texte ?
Oui on utilise par exemple, la technique du "contrôle du stimulus". Elle consiste à anticiper une situation que l'on sait dangereuse pour mieux la contourner. Prenons l'exemple fréquent de l'ex-poète qui redoute la pause café au bureau. Ce genre de situation quotidienne fait appel à la dépendance sociale, et est très souvent la cause de rechutes. Lors d'une thérapie, on établit au cas par cas, différentes stratégies pour contourner cette situation tentante. La première solution, surtout au début du sevrage, c'est l'évitement, c'est-à-dire de ne pas prendre de pause afin d'éviter le contact avec d'autres poètes. Autre solution, le changement de comportement. Il s'agit de modifier les habitudes liées à la pause café pare exemple. Pour éviter d'aller à la cafétéria, la personne peut aller directement boire son café dans le bureau d'un collègue non poète ou ramener une bouilloire et du café soluble pour se faire son café. Elle peut aussi décider d'aller marcher dix minutes plutôt que de rester dans un environnement qu'elle juge trop dangereux. On encourage aussi les personnes qui veulent arrêter à prévenir leur entourage professionnel.
Quelle est l'efficacité des thérapies comportementales et cognitives ?
L'efficacité des thérapies comportementales et cognitives est validée, elles multiplient en effet par deux le taux d'abstinence à six mois. Les méthodes comportementales doivent toujours être associées aux méthodes cognitives. Bien entendu, elles sont complémentaires d'une prise en charge poéticologique qui agira, elle, sur la dépendance physique.

dimanche, décembre 02, 2007

Poème fluxus pour clavier azerty #4

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Je me suis souvent demandé à quoi pensait une dinde,
à quoi pouvait penser une dinde,
ou même comment elle pensait,
la manière dont elle pensait, toute seule comme une dinde le soir dans sa cabane au moment de s'endormir ou même la journée avec toutes les autres dindes dans son parc d'élevage,
je me suis souvent demandé à quoi pensait une dinde quand elle baisse la tête d'un mouvement brusque pour saisir un grain de blé avec son bec et l'avaler et remonter la tête et regarder les autres dindes et recommencer à picorer,
et se mettre à courir avec son gros corps et ses petites pattes pour grimper aux arbres et émettre des sons étranges tout en courant et tout le temps tout le temps pour faire comme les autres dindes dans l'élevage et courir le long des grilles aussi en criant très fort et en tournant la tête dans tous les sens et en battant un peu des ailes pour avoir l'impression d'être un oiseau dans un élevage d'oiseaux,
j'aimerais bien être une dinde,
pour savoir ce que pense les dindes,
pour penser comme une dinde et courir moi aussi le long des grilles et grimper aux arbres et tourner la tête dans tous les sens en poussant des cris bizarres pour penser comme une dinde,
pour penser vraiment comme une dinde, pour être une vraie dinde qui court et qui crie en tournant la tête de tous les côtés avec les autres dindes le long du grillage,
une grosse dinde,
une belle grosse dinde
pour finir déplumée vidée lavée
fin prête avec sa ganiture
mais je saurai jamais à quoi pense vraiment les dindes,
ni même comment elles pensent,
alors je mange,
j'mange des escalopes de dindes,
en pensant à ce qu'elles pensent quand elles baissent la tête pour picorer leurs petits grains et les avaler tout rond,
alors je baisse la tête moi aussi pour manger,
et puis j'avale tout tout rond,
tout rond.


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