beouf le blog: février 2006

jeudi, février 23, 2006

Je me sens comme une morue,
une grosse morue,
sortie, comme ça, de son écosystème.
Pourtant je ne suis pas une morue,
ça je le sais,
que je ne suis pas une morue,
parce que je ne suis pas dans l'eau, et parce que je n'ai pas d'écailles, ni des gros yeux globuleux, et pas de nageoire caudale non plus, et pleins d'autres petits trucs comme ça qui me manquent et qui font que je ne suis pas une morue,
mais je ne me sens pas très bien dans mon écosystème.
Je me sens comme une morue,
comme un gros banc de morues,
un gros banc de petites morues qui ne retrouverait pas la route de son écosystème, sa route de banc de morues qui file dans le courant, qui file pour prendre le courant et manger plein de petits trucs qui font partie de mon écosystème,
mais je ne me prends pas pour une morue,
ni pour un cabillaut,
ni pour un banc de cabillauts qui cherche son écosystème dans les courants froids,
parce que je cherche rien du tout,
parce que je suis sorti de mon écosystème.
Je sais même pas ce que c'est qu'un écosystème,
c'est pour ça que je me sens comme une morue,
que je pense que je suis un banc de morues,
et je me gèle dans les courants glacés,
avec mes petites morues qui font un banc,
un banc de petites morues, et puis des grosses et des moyennes morues qui ressemblent à du cabillaut
mais qui ne se prennent pas pour du cabillaut,
et qui font partie de mon écosystème,
l'écosystème du magasin où je vais acheter du cabillaut,
des filets gracés de petites morues qui ne se prennent pas pour du cabillaut mais qui traînent sur le banc gelé du poissonnier,
dans le magasin qui fait partie de mon écosystème,
et quand je sors de mon écosystème avec mon sac et mes filets de cabillaut qui sont des petites morues sorties de leur écosystème,
je me sens comme une morue glacée
empaquetée dans son écosystème,
je me sens comme un banc de morues qu'on prend pour du cabillaut,
alors que je suis juste une petite morue
sortie de son écosystème.
Mais je ne sais même pas ce que c'est qu'un écosystème.

samedi, février 11, 2006

Option sur la transformation permanente.
(Accentuer les recherches sur le génome de la boite de conserve.)

La vie est-elle en-deçà ou au-delà du steak haché ?

jeudi, février 09, 2006

Moi, le matin, je prends toujours un bon bol de café,
que je pose à la cuisine,
sur la table en formica.
Le spectacle d'un bol de café bien chaud bien fumant sur une table en formica, dans la cuisine mal éclairée,
ça me réveille.
Et je ne sais pas si ce que je préfère c'est regarder le café qui vient de sortir de la cafetière ou la table en fornica qui le supporte,
alors je tire la chaise qui est sous la table en formica et je m'assois, et je les regarde tous les deux en essayant de penser à ce café et à cette table pour m'éveiller
pour essayer de me réveiller,
pour ne pas oublier de me réveiller avant de boire mon café sur ma table en formica,
en pensant,
en pensant beaucoup à mon café et à ma table en formica,
et je me dis que c'est pareil,
le café et le formica,
que ça réveille pareil le moulu et l'aggloméré,
que ça colle pareil,
que c'est de la vie moulue passée agglomérée recollée
et je me dis que moi aussi je suis du café,
et que moi aussi je suis une table en formica,
une jolie petite table de cuisine qui dort encore à moitié,
et je me sens tout aggloméré
au milieu de ma cuisine mal éclairée
je me sens tout aggloméré et plein de petits trucs plein de petits machins qui me permettent de tenir comme une table bien posée bien carrée bien plate un peu fragile au milieu de ma cuisine
et je me dis qu'il faut que je me réveille en buvant mon café,
qu'il faut que je pense encore à m'agglomérer pour boire mon café moulu qui va me réveiller,
pour m'agglomérer un peu plus devant mon bol de café qui est bien éveillé lui bien chaud bien fumant tout juste passé,
alors je regarde mon bol de café,
je regarde l'intérieur de mon bol de café,
le gros trou noir de mon bol de café tout noir tout moulu tout rond,
tout trou,
et je me demande ce qu'il fait comme ça posé sur ma table agglomérée toute plate pas réveillée fragile comme tout
et j'ai envie de l'engueuler,
de lui dire qu'il ferait mieux de la réveiller,
qu'il ferait bien de bouger, de la lacher un peu cette table agglomérée qui reste agglomérée comme elle peut,
avec son petit vernis et sa toile cirée,
et puis le temps que je pense,
le temps que je pense à tout ça,
à ma table agglomérée et à sa difficulté pour se réveiller,
ben je bois mon café,
et puis après je vais travailler.

Aujourd'hui, midi, ai consommé :

4 l. de gasoil
26 l. d'eau
7 kwh
658 kcal (glucides /274 g ; protéines /228 g ; lipides/156 g)
3 cigarettes
4 h de travail
15 cl. de rouge
0,001 mm de caoutchouc
126 ml. de salive
6678 mots
2 g. de dentifrice
73 ml de gaz
...

mercredi, février 08, 2006

Je me sens de plus en plus aux normes européennes.

Pour faire du cerf-volant,
il faut avoir envie de faire du cerf-volant,
et même,
il faut avoir l'idée d'avoir envie de faire du cerf-volant.
Une fois qu'on a l'idée,
qu'on l'a bien en tête, qu'on essaie de ne pas l'oublier pour éviter de ne plus savoir de quoi on a envie,
il faut trouver un cerf-volant,
alors on va dans un magasin qui vend des cerfs-volants,
et on achète un cerf-volant.
Après, on attend qu'il y ait du vent,
on a envie qu'il y ait du vent,
on a l'idée d'avoir envie,
on n'a que cette idée du vent qui pourrait faire voler le cerf-volant, parce qu'un cerf-volant c'est fait pour voler,
on l'a acheté pour qu'il vole avec le vent,
et quand il y a du vent, il faut avoir l'idée de le faire voler,
il faut avoir envie d'avoir cette idée,
parce qu'il faut y penser,
après tous ces efforts pour faire du cerf-volant,
et il faut bien se concentrer pour y penser, penser d'avoir l'idée d'avoir envie de le faire voler pour ne pas l'avoir pour rien ce cerf-volant,
et quand il y a du vent et qu'on a l'idée en même temps de faire voler le cerf-volant,
on n'a plus besoin de penser,
on pense même pas au cerf-volant,
ni même au vent qui le fait voler,
on ne pense pas,
on oublie tout ce qui le fait voler le cerf-volant,
et on oublie même qu'on oublie,
parce qu'on croit qu'on est un cerf-volant qui vole un moment et qui oublie qu'il est un cef-volant,
mais moi à chaque fois que mon voisin fait voler son cerf-volant,
je sais très bien que c'est pas lui qui vole,
et que c'est juste le vent.

Quand y a du vent,
mon voisin sort son cerf-volant.

J'vais mettre au cerf-volant.

samedi, février 04, 2006

Aujourd'hui, j'ai mangé des petits pois.
C'est bon les petits pois,
même sans carottes,
comme ça
sans rien avec sans rien autour,
nature.
Pour les faire nature les petits pois je les fais avec d'autres petits pois,
petits pois sur petits pois,
je les mélange bien en les mettant dans une casserolle que je remue les yeux bandés pour ne pas les reconnaître.
Après je les mets dans une assiette ces petits pois que j'ai bien mélangés avec les petits pois pour qu'ils soient bien nature,
et puis je les mange.
Sans même les reconnaître.
Sans même me demander si c'est bien des petits pois que je mange, si c'est bien des petits pois que j'ai bien mélangés avec les petits pois,
si c'était bien des petits pois qu'il y avait dans la boite de petits pois que j'ai ouverte pour la mélanger avec une autre petite boite de petits pois,
parce que c'est pas moi qui les ai ramassés les petits pois, c'est pas moi qui les ai écossés les petits pois de la petite boite, c'est pas moi qui les ai lavés ces mêmes petits pois qui ne sont peut-être pas des petits pois, c'est pas moi qui les ai faits cuire dans du jus sans carotte avec des milliers d'autres petits pois très petits très verts très tendres, c'est pas moi qui les ai stérilisés comme ça dans leur boite, et c'est pas moi qui les ai transportés et qui les ai rangés avec d'autres petites boites, et c'est pas moi qui ai mis l'étiquette petits pois dessus,
avec plein d'autres petits pois,
tout beaux tout ronds tout verts,
nature,
alors je les regarde un petit peu ces petits pois dans mon assiette et je me demande ce que je ferais si j'étais un petit pois moi aussi dans sa boite avec plein d'autres petits pois comme moi tout petits tout beaux tout ronds tout verts,
mélangé avec une autre boite de petits pois tout petits aussi et tout verts et tout beaux et tout, tout comme les petits pois,
pour être plus nature,
et je sais pas si je me mangerais, en tant que petit pois,
je serais bien avec les copains de ma boite, et même avec les copains de l'autre boite pour être plus nature,
bien serrés comme des potes,
mais j'aurais pas bien le choix, parce que je serais tout petit, tout beau, tout vert, tout rond, et que je serais un petit pois,
juste un petit pois nature dans sa boite,
peut-être que j'essaierais de m'échapper, en roulant sur moi-même avec les autres,
comme un petit pois.
Et puis j'oublie,
j'oublie que je suis un petit pois,
tout beau tout rond tout vert,
et je mange mon assiette.


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