beouf le blog: août 2006

mercredi, août 30, 2006

Moi aussi j'me prends à regarder les trains qui passent,
comme ça,
des fois,
je marche et j'entends un train qui passe
alors je lève la tête
et je regarde le train passer,
sans vraiment penser au train qui passe,
sans penser que le train passe,
simplement pour regarder le train passer,
alors je lève la tête
quand je marche et que j'entends passer un train
et je lui dis bonjour au train,
bonjour le train qui passe,
bonjour,
bonjour,
et il met du temps à passer
et moi je garde la tête levée pour le regarder et lui dire bonjour,
même s'il ne m'entend pas
même s'il ne me répond pas
même s'il ne fait que passer,
bonjour
bonjour
je lui dis,
moi qui ne passe plus parce que j'ai arrêté de marcher pour regarder le train qui passe,
sans réfléchir,
sans me demander s'il passe vraiment le train,
ou si c'est moi qui passe et lui qui reste à me regarder,
sans bouger,
avec ses gens dedans,
qui passent sans bouger,
peut-être sans penser qu'ils sont dans un train qui passe peut-être même sans passer,
parce que c'est moi qui passe,
alors je le regarde quand même passer,
sans trop savoir pourquoi il passe ou même s'il passe ou pour quelle destination il passe,
un peu hébété,
et quand il a fini de passer,
j'baisse à nouveau la tête et je me remets à marcher,
sans penser.

mardi, août 15, 2006

J'me sens un peu biodégradadable.

J'me sens vachement bio.

J'me sens biodégradable.

J'me sens bio.

Demain : paté-croute toute la journée, c'est sûr.

… pourquoi, puisque, drogue pour drogue,
il en est une autre, après tout,
qui embue le subconscient collectif et
qui tout compte fait me fascine bien
davantage. Elle innerve tout notre
activisme… D’où cette griserie, ce [vache beuglant – 1’’]
sentiment de fumambulisme [vache beuglant – 1’’]

Bernard Heidsieck, Couper n’est pas jouer.

La langue de beouf est un petit grain,
un grain,
un tout petit grain dans la langue,
dans la machine de la langue,
un tout petit grain de rien du tout dans la grosse machine de la langue,
ou un grain dans la langue de la machine,
comme un petit grain de semoule dans la machine à laver
qui fait que l’e ne veut plus rentrer dans l’o
même pour les œufs qui deviennent des eoufs,
des petits eoufs inoffensifs pondus par des bœufs,
un petit grain dans la batterie,
la grosse batterie à faire des œufs,
la grosse batterie de la langue à faire des œufs,
à pondre des œufs,
un grain,
un tout petit grain de rien du tout,
un petit grain qui libère un espace entre l’e et l’o dans la machine à fabriquer des œufs,
la grosse machine à bœufs,
un tout petit espace entre l’o et l’e de l’œuf qui devient eouf en batterie,
un petit eouf en batterie,
tout aussi confiné serré un peu contrit par la machine,
confiné quand même,
pris dedans,
comme un œuf,
comme un bœuf
comme un oeuf dans un bœuf,
comme un bœuf en batterie,
mais avec un petit espace libéré,
entre l’e et l’o,
un tout petit espace,
l’espace d’un grain,
un petit grain placé dans la batterie,
dans la langue de bœuf qui devient beouf,
un espace de rien du tout,
de rien,
du tout,
entre l’œuf et l’eouf et le beouf et le boeuf,
et qui fait partie de la batterie.
Et qui fait partie de la batterie...

La langue de beouf est langue de beouf.
Est langue de beouf dans langue de beouf dans bouche de bœuf.
Est langue de beouf dans bouche de beouf de bœuf.
Est langue de beouf dans langue de beouf dans bouche de beouf de bœuf.
Est langue de beouf.

Langue de beouf Ets.

Langue de bœuf.
La langue de bœuf.
La langue de bœuf est langue.
La langue de bœuf est langue dans bouche.
La langue de bœuf est langue dans la bouche.
La langue de bœuf est langue de boeuf dans bouche.
La langue de bœuf est langue de bœuf dans la bouche.
La langue de bœuf est langue de bœuf dans bouche de bœuf,
La langue de bœuf est langue de bœuf dans la bouche de bœuf.

La langue de bœuf est langue de bœuf.

Demain : paté-croute, toute la journée.

J’vois des bateaux partout,
à l’horizon,
j’vois des bateaux à l’horizon,
partout,
j’vois des bateaux partout,
partout,
à l’horizon,
des bateaux qui flottent de partout à l’horizon,
qui fait rêver,
à l’horizon qui fabrique du rêve,
et des bateaux,
partout,
du rêve fabriqué à l’horizon des bateaux qui flottent,
partout,
qui fabriquent du rêve préfabriqué d’horizon de rêves qui flottent
avec les bateaux,
à l’horizon,
qui flotte lui aussi avec les bateaux et les rêves qu’il y a dans les bateaux à l’horizon,
partout,
parce que c’est important d’avoir un peu de rêve et un peu d’horizon et des bateaux pour flotter sur l’horizon avec le rêve,
partout,
pour flotter partout avec le rêve et les bateaux,
préfabriqués à l’horizon,
même un p’tit bateau préfabriqué avec du rêve et de l’horizon qui flotte,
autour,
un bateau pneumatique avec plein de rêve dedans,
et plein d’air,
partout,
à l’horizon,
pour mieux flotter dans le rêve et dans l’horizon,
et dans l’horizon du rêve de l’horizon,
tout juste sorti de son carton,
tout juste sorti de l’horizon de ses rayons,
du rêve de rêves préfabriqués par l’horizon du rêve de l’horizon de ses rayons,
un joli petit bateau pneumatique tout gonflé d’horizon,
dans sa grande surface et ses rayons,
la grande surface à l’horizon,
tassé dans son carton,
pour mieux flotter à l’horizon de sa grande surface préfabriquée de rêve et
d’horizon de rêves,
préfabriqués de rêve et d’horizon,
tassés dans un carton,
dans un horizon de cartons et de rêves et de bateaux pneumatiques qui rêvent d’horizon et de carton,
dans leurs rêves et leur carton,
à l’horizon de la grande surface,
et de ses rayons,
tous ces rayons qui forment des lignes pneumatiques qui se gonflent à l’horizon dans les cartons avec les rêves de rêves préfabriqués dans les rayons et les cartons,
des gros cartons de rêves,
des gros rayons d’horizon,
dans leur grande surface et son horizon,
tout gonflés
de rêves et d’horizon et de grande surface et de rêve et d’horizon de grande surface,
dans un carton,
dans le carton de mes rêves,
dans le carton de mes rêves et de ses cartons
préfabriqués jusqu’à l’horizon,
dans la grande surface où je vois des bateaux partout,
partout à l’horizon,
dans des cartons qui viennent de l’horizon avec leurs rêves et leurs bateaux,
leurs rêves pneumatiques et leur horizon pneumatique de carton de rêves entassés dans du carton de rêve d’horizon et de rêves,
préfabriqués.

… une chose merveilleuse est arrivée. Un Danois impatient est venu pour chiper une carotte. Je
lui ai tapé la tête avec une cuillère à salade. Le cuilleron a sauté, a frappé une dame qui s’était montrée bruyante et a atterri dans les mains d’un homme qui était assoupi. Je me suis esclaffé et le Danois a mangé sa carotte.

Dick Higgins, Postface.

mardi, août 01, 2006

De même qu'il existe une poésie crue et une poésie cuite,
(la poésie crue n'étant pas cuite,
ce qui ne veut pas dire "pas encore cuite" : elle n'est pas cuite du tout, c'est tout, et en tant que poésie crue ignore qu'elle peut être cuite ;
tandis que la poésie cuite n'est plus crue, l'a peut-être été mais ne l'est plus, et selon divers degrés de cuisson définissant plus ou moins les seuils de passage du cru au cuit,
sans pour autant en déduire que la poésie crue ignorerait qu'elle est crue par la raison même qu'elle ne saurait pas qu'elle peut être cuite :
la poésie crue est crue autant que la poésie cuite peut être cuite)
de même il faut convenir de l'existence d'une poésie archicuite.
Si la poésie crue
est crue,
et la poésie cuite
cuite,
la poésie archicuite est archicuite :
ce qui ne veut pas dire qu'elle est trop cuite.
Elle est simplement archicuite.
La poésie crue est dure comme la poésie cuite est tendre et la poésie archicuite
molle
et pâteuse,
pas onctueuse : molle et pâteuse,
presque informelle.


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